Gosselies a écrit : ↑jeu. 24 déc. 2020, 18:38
Texte de Clm repris d'un sujet sur l'aéroport de Montpellier, où il n'a rien à faire :
Clm a écrit : ↑jeu. 24 déc. 2020, 10:15
C'est sûrement pour avaler la pilule de l'absence scandaleuse de véritables redevances d'atterrissage et passagers à CRL. Ce n'est pas pour les beaux yeux de la région de Charleroi, dont l'économie est sinistrée, que FR a autant développé son trafic. CRL ne fait pas payer parce que la SOWAER prend en charge l'intégralité des investissements de l'aéroport. Ça laisse le champ libre pour faire du dumping tarifaire ensuite à l'opérateur. Facile de faire venir une compagnie quasiment gratuitement si on ne paie même pas le nouveau terminal ou la piste.
Il y a une question d'éthique et de concurrence loyale derrière tout ça. Et si FR se développe de manière anormalement importante à un endroit, c'est qu'il y a forcément quelque chose de malsain au niveau financier. C'est dans l'ADN de cette compagnie qui ne court qu'après une seule chose ; ne pas payer ce qu'elle doit aux autres.
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi les propriétaires délégants de LIL, ANR, OST, BRU n'ont pas essayé de dénoncer cette concurrence déloyale.
Ça bousille les autres aéroports et surtout les autres compagnies aériennes qui ne souhaitent par forcément s'installer à 75 min de Bruxelles ou de Lille pour que leur passagers évitent de se taper un trajet inutilement long en voiture ou en bus.
Quelques brèves remarques :
- c'est précisément parce que la région de Charleroi est économiquement sinistrée que la présence de Ryanair est intéressante : elle fournit du travail (hors période Covid, évidemment) à des milliers de personnes, directement et indirectement.
- les conditions de financement de l'aéroport et les conditions faites par l'aéroport à Ryanair (comme aux autres compagnies venant à CRL) ont fait plusieurs fois l'objet de réclamations (entre autres de la part de l'aéroport de Bruxelles) auprès de la Commission Européenne, qui a précisé les règles à observer et les corrections à faire. La situation a été régularisée par l'aéroport de Charleroi, qui se trouve maintenant parfaitement en règle.
- les compagnies aériennes qui ne souhaitent pas s'installer à Charleroi sont tout à fait libres de rester à Bruxelles ou à Lille- c'est notamment le cas de Brussels Airlines, qui n'a jamais voulu ouvrir de ligne au départ de CRL. Les voyageurs bruxellois ou lillois qui ne souhaitent pas faire une heure de bus ou de voiture sont aussi tout à fait libres de prendre l'avion à Bruxelles ou à Lille.
Où est le problème ?
Je suis d'accord avec toi aussi ! Les choses ne sont pas noires ou blanches. C'est un moyen d'offrir de l'activité économique à la région. Il y a des avantages ; comme pour Beauvais qui jouit de la présence de Ryanair sans laquelle l'emploi serait un peu plus sinistré. Je l'ai écrit ailleurs, les low-cost ont été aussi les artisans de la connectivité de l'Europe centrale et orientale. Tout n'est pas à jeter dans ces compagnies aériennes et ces aéroports spécialisés sur ce segment de trafic.
Le problème est qu'offrir aux ULCC des conditions trop favorables a indéniablement un impact sur les autres compagnies aériennes et les autres aéroports ; ça crée une distorsion de concurrence.
CRL ne fait quasiment pas payer les compagnies aériennes :
- Redevance d'atterrissage : 1,235€ par passager départ
- Redevance passagers : 0€ par passager départ
Normalement, le prix devrait osciller entre 15 et 20€ par passager départ. Mais le "prix du marché" des ULCC est aujourd'hui plutôt autour des 5€ par passager départ. La pratique commune était de faire des contrats de support marketing que la compagnie aérienne surtarifait, pour dissimuler une subvention directe.
CRL s'est évitée les contrats de support marketing en publiant des tarifs anormalement bas. C'est uniquement pour cela que la Commission Européenne a donné son feu vert ; ça sauve les apparences.
Comment casser les prix de manière aussi scandaleuse ?
1. En ne payant pas ses investissements.
2. En transformant le terminal en centre commercial.
Pour la seconde raison, toute la question est de savoir jusqu'où l'on se permet d'aller dans le harcèlement pécuniaire du voyageur. Je considère pour ma part que des passagers ne sont pas que des porte-monnaie ambulants et qu'une certaine mesure est nécessaire dans l'aménagement commercial des aéroports. Sinon on ne vaut pas mieux qu'une chaîne de télé qui vend du temps de cerveau disponible à des publicitaires.
Pour la première raison, la collectivité (donc nos impôts) paie les investissements. Au bout du compte, subventionner le CAPEX permet de baisser le coût de la rotation. Ce n'est qu'un tour de passe passe qui évite de subventionner directement la compagnie. Mais le résultat est le même. L'activité d'accueil de l'aéronef sur l'aéroport n'est pas tarifée à hauteur de son coût réel. En grande distribution, ce type de pratique s'appelle de la vente à perte et c'est durement sanctionné.
La Commission Européenne, malgré des lignes directrices, a pour le moment décidé de laisser faire, pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore. Comme je l'ai déjà écrit, le laisser-faire autour du low-cost a fait selon moi beaucoup plus de mal au marché du transport aérien sur long-terme que du bien.
- baisse de la connectivité au départ des territoires les moins mondialisés (villes moyennes, territoires ruraux) qui sont entrés dans une compétition nauséabonde pour récupérer du trafic à coups de 25-30-40€ par passager départ...
- concentration des flux autours des grandes métropoles
- saturation des espaces touristiques souvent sensibles. A 60€ AR on part deux ou trois fois au soleil au lieu d'une.
- destruction de l'emploi
- baisse des salaires
- évasion fiscale
- baisse de la qualité de service offerte aux voyageurs
Pour paraphraser un économiste connu, c'est le triomphe de la cupidité :
- le consommateur refuse de payer au coût réel son billet.
- la compagnie aérienne refuse de payer au coût réel sa rotation.
- l'aéroport refuse de payer au coût réel ses infrastructures.
L'économie fonctionne comme la loi de Lavoisier. Si un produit ou service n'est pas payé à hauteur de son coût réel par le consommateur, c'est que quelqu'un ou quelque chose d'autre le paie par ailleurs ; les finances publiques, l'environnement, la santé, etc.
Le transport aérien n'échappe pas aux questions de consommation responsable. Comme pour son alimentation, son habillement, on pourrait réfléchir à deux fois quand on réserve un billet d'avion : Pourquoi le fait-on ? Que va-t-on en retirer ? Mon prestataire est-il responsable vis-à-vis de l'environnement et la société ?
Pour ma part, j'évite de voler sur Ryanair, comme j'évite autant que possible d'acheter un livre chez Amazon si je le trouve ailleurs dans un circuit de distribution plus vertueux.
Les pratiques de dumping des ULCC ne sont pas assez encadrées, comme pour les géants du net... Il est temps que ça change.