Si, jusqu’à présent, il y avait un consensus pour disculper les pilotes dans les deux accidents, certains ont un avis plus mitigé. Dans le cas d’Ethiopian Airlines, et contrairement à ce qui a été indiqué par les autorités locales le 4 avril dernier, "ils n’ont clairement pas suivi les procédures de Boeing, d’après les données publiées dans le rapport", nous dit un pilote instructeur sur Boeing 737 Max.
En quoi les pilotes n’auraient-ils pas suivi les consignes de Boeing ? "Sur le niveau de puissance, par exemple. Il est préconisé, dans le cas qui est arrivé, de mettre les manettes des gaz à à 85 %, au lieu des 94 % où ils étaient, et qui correspond à la puissance au décollage. Celle-ci devait donc être réduite pour stabiliser l’avion. Ça, l’avion ne peut le faire lui-même."
La seule option, c’est d’agir sur le compensateur de profondeur, ou correcteur d’assiette, qui, via un moteur électrique, corrige automatiquement l’équilibre de l’avion. Ce compensateur, qui s’appelle le trim, peut être actionné soit automatiquement avec assistance électrique, soit manuellement, via deux molettes dans la console centrale du cockpit, chacune étant actionnable par un pilote. En coupant le système électrique, on désactive le MCAS.
D’après notre témoin, c’est bien ce qu’a fait l’équipage éthiopien. "Ils ont fait cela, tel que Boeing le dit dans sa documentation, mais tard. Pour rééquilibrer l’avion, il leur restait donc le trim manuel, actionnable par ses deux molettes. Ils l’ont un peu engagé, mais pas suffisamment, la force pour le faire étant assez importante. Ils ont conclu trop vite que ça n’allait pas et, contrairement à ce que Boeing dit, ils ont remis le système de trim électrique en marche, ce qui a réactivé automatiquement le MCAS. Celui-ci a remis l’avion en piqué. Avion qui aurait encore pu s’en tirer, mais les pilotes se sont perdus en essayant d’exécuter un virage.
La solution préconisée par Boeing consiste donc à remettre l’avion en équilibre sans assistance électrique ni informatique. "La manœuvre est difficile, concède notre témoin, d’autant plus qu’ils volaient très vite vu qu’ils avaient gardé la puissance des moteurs. Ils auraient dû le faire à deux. Boeing le dit dans sa documentation : faites attention, vous devez manipuler les molettes du trim à deux, mais la plupart des opérateurs n’en tiennent pas compte."
"Les autorités de régulation doivent aussi se poser des questions. Pourquoi avoir insisté auprès du constructeur afin qu’il place le MCAS, pour quelques kilos de force seulement ? Tous les pilotes qui ont été aux commandes de l’avion avec et sans MCAS comme moi sont d’accord, on ne sent presque pas la différence. La FAA doit être plus relax quand un avionneur vient avec quelque chose de nouveau. Sans cette autorité, le système MCAS n’aurait jamais été installé."
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