Le surtourisme risque bientôt de détruire la beauté de la côte croate
Sable blanc, eau cristalline, soleil ardent et vacances idylliques, vantent les brochures. Mais la promesse de carte postale se paie au prix d'un pacte faustien entre touristes et promoteurs qui détruit à petit feu le littoral croate. Certaines plages y résistent et inventent les solutions de demain au surtourisme.
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https://www.rtbf.be/article/le-surtouri ... e-11555862
Sur ses plus de 6000 kilomètres de côtes (îles comprises), la Croatie ne possède que 6% de plages de sable ou de galets. Mais les millions de visiteurs qui déferlent chaque année pour plonger dans l'Adriatique s'attendent presque tous à pouvoir étaler leur serviette sur du doux sable blanc immaculé.
"Notre problème, c'est l'espace", résume Dalibor Carevic, professeur à l'Université de Zagreb, spécialisé en génie côtier : "Où voulez-vous installer tant de touristes qui veulent tous s'allonger sur la plage ?".
Les posidonies, précieux rempart contre l'érosion
"Plus l'apport économique de la côte grandit, plus de l'espace est pris à la mer, pas seulement pour agrandir les plages mais aussi pour construire des parkings, des ports, des routes... Nous sommes en train de rendre notre côte artificielle. A grande échelle", regrette Dalibor Carevic.
Toutes les plages ? Non. Une petite plage résiste depuis quelques années. A Sakarun, sur l'île de Dugi Otok, les camions passaient aussi chaque année pour retirer les posidonies, ces herbes de mer dont les feuilles mortes viennent s'échouer sur les plages en hiver et former de larges "banquettes" aux couleurs sombres sur les plages, qu'elles protègent ainsi de l'érosion.
Ces "poumons des mers" servent aussi de puits de carbone et de nurserie pour poissons. Pendant des années, elles ont pourtant été consciencieusement enlevées.
"Il y a des solutions"
"Ce que les touristes cherchent sur cette plage, c'est le sable", constate Kristina Pikelj, professeure de géologie à l'Université de Zagreb et protectrice de la plage, qui a fait de la défense des posidonies son combat. En 2021, elle a lancé un projet de recherche autour de la plage, couplé à des initiatives pour éduquer la population locale et les touristes à leurs bienfaits.
"Les posidonies protègent ce qu'il y a sous elles, elles protègent le sable. A chaque fois qu'on les enlève cela crée de l’érosion", explique la professeure. Car "on retire plus de sédiment que ce que la nature peut apporter". Grâce à son travail et à la compréhension des habitants, depuis trois ans, les camions ont disparu. Les posidonies sont simplement déplacées.
Les plages condamnées par le réchauffement ?
En 2024, le tourisme a rapporté presque 15 milliards d’euros à la Croatie. Mais si elles attirent les visiteurs, ces plages ne sont pas éternelles.
Avec le réchauffement climatique, "le niveau des mers augmente, la taille des vagues augmente et si vous avez construit une plage artificielle - et probablement une rangée d'immeubles sur la côte -, ces plages vont se retrouver coincées entre les immeubles et une mer qui monte, et irrémédiablement vont rétrécir", au risque de disparaître.
La hausse du nombre de tempêtes et des conditions météorologiques extrêmes rendent aussi les plages artificielles plus précaires : chaque tempête emporte un peu plus de sédiment dans la mer.
Mais rien n'est encore irréversible, veulent croire la professeure Pikelj et ses étudiantes, venues prélever des échantillons à Sakarun pour imaginer les solutions de demain à la pollution des plages.